AVEC LES OBSTACLES VIENT LA PERSÉVÉRANCE
Par Kate O’Brien, olympienne des Jeux de Rio en 2016, championne du monde et détentrice d’un record du monde en paracyclisme
Mon nom est Katie.
J’adore les trucs scientifiques ringards – quand j’avais sept ans, j’ai utilisé l’argent que j’ai reçu lors de mon anniversaire pour m’acheter un petit microscope. J’adore la musique, qu’il s’agisse de jouer, chanter ou écouter (pas que je sois très bonne dans les deux premiers, mais quand même…) J’adore les montagnes; j’ai tendance à être une personne assez anxieuse et les montagnes sont une source de stabilité et de calme dans ma vie.
Je suis aussi une personne extrêmement compétitive, donc naturellement j’aime le sport. J’aime faire des choses rapides; j’ai été athlète de bobsleigh pendant environ cinq ans avant de devenir cycliste sur piste.
Je me souviens d’un Noël où le Père Noël m’a donné un panier de basket. Pas de panneau arrière. Pas de support. Juste un panier. J’ai rarement été aussi heureuse de toute ma vie. Mon père est immédiatement allé dans notre petite cour et l’a vissé sur le côté du garage. Je suis sortie – dans la neige de Calgary à la hauteur des genoux – et je me suis entraînée seule pendant des heures.
Ça semble un peu affreux quand je le décris maintenant, mais je me souviens encore de ce sentiment. J’ai passé ma vie à chercher ce sentiment, à me demander d’où il venait et comment le je pouvais le revivre.
J’ai joué au basketball pendant des années, mais j’ai arrêté quand j’ai commencé le secondaire parce que je craignais que cela affecte négativement mes notes. J’avais un plan – j’allais devenir médecin, donc c’était ma priorité. Je ne voulais pas que le basketball fasse obstacle à cet objectif.
En onzième année, j’ai réalisé que j’avais plus de temps que je ne le pensais, alors j’ai essayé un nouveau sport: l’athlétisme. J’ai adoré! Cela cadrait bien avec mon plan: j’allais faire de l’athlétisme à l’université avant l’école de médecine. Malheureusement, mon genou avait d’autres plans pour moi et je me suis blessée sur une haie. Ce qui semblait être une entorse a finalement nécessité trois interventions chirurgicales et j’ai dû prendre une pause.
Malgré les chirurgies et les nombreux obstacles, mon genou ne m’a pas arrêtée. J’ai été initiée au bobsleigh lors de ma dernière année d’université. Lors de ma première descente, j’ai poussé l’engin aussi vite que possible, j’ai sauté, j’ai senti la vitesse. . . et j’ai aussi ressenti lorsque nous nous sommes écrasées. Quand nous nous sommes arrêtées (sur le côté) en bas, je suis sortie de l’engin et j’ai su que j’étais tombée amoureuse de ce sport. Lorsque l’idée de me qualifier pour les Jeux Olympiques d’hiver de Sotchi 2014 est apparue, j’étais surprise mais enthousiaste.
Ma nature compétitive est ressortie et j’ai tout donné à l’entraînement. J’ai pris un an de congé de ma maîtrise pour me concentrer sur le bobsleigh. Malgré tout l’effort que j’ai mis dans ce sport que j’aimais pendant cinq ans, le résultat fut le même; malheureusement, je me suis blessée juste avant Sotchi et je n’ai pas pu y aller.
Je me sentais perdue. Je me sentais comme si j’avais échoué et je ne savais pas où aller à partir de là.
Mais tout espoir n’a pas été perdu, car pendant ce temps, j’ai été recrutée pour le cyclisme sur piste. Apparemment, les athlètes de bobsleigh produisent beaucoup de puissance (mais seulement pendant quelques secondes, de vrais sprinteurs délicats…) J’ai concouru avec les équipes de bobsleigh et de cyclisme sur piste pour la saison 2014-2015, puis j’ai pris ma retraite du bobsleigh et j’ai décidé de me concentrer sur le cyclisme sur piste. Malgré tous les obstacles que j’ai traversés, j’avais une autre chance de faire l’équipe olympique.
Je me suis entraînée avec la seule idée de faire quelque chose que j’aimais. Au final, je me suis qualifiée pour les Jeux olympiques de 2016 et c’était incroyable. Je vais être tout à fait honnête – ce n’était pas tout à fait comme ce qu’ils montrent dans les films. Il y avait pas mal de pression pour performer, mais au-delà de tout ça, un peu comme lors des qualifications, j’ai vu ce que j’aimais dans le sport.
Au cours de la saison 2016-2017, les choses semblaient s’améliorer – ma coéquipière Amelia et moi avions remporté la médaille d’argent en sprint par équipes à la Coupe du monde de Los Angeles, une première pour le Canada. Cependant, en tant que membre senior de l’équipe, je sentais une pression pour concourir et performer à un niveau assez élevé. J’avais l’impression que je devais mener l’équipe et j’ai oublié la raison pour laquelle je pratiquais ce sport. Je sentais que je devais continuer à m’entraîner pour les Jeux olympiques de 2020 parce que si j’arrêtais, ce serait une énorme perte pour le système sportif.
La route vers mes deuxièmes Jeux olympiques a totalement changé lorsque j’ai chuté lors d’un entraînement en juillet 2017. J’avais des éraflures et des fractures, mais la principale préoccupation était ma blessure à la tête. J’ai été hospitalisée pendant trois mois. Les médecins ne savaient pas si je marcherais, parlerais ou mangerais à nouveau par moi-même, encore moins faire du vélo. Mais j’ai commencé à parler (désolé!), à manger seule et finalement à remonter sur un vélo – je suis même retournée à la compétition.
Ce n’était pas simple; deux pas en avant, un pas en arrière. Quand les choses semblaient s’améliorer, j’ai été diagnostiqué avec une épilepsie post-traumatique. J’ai continué, avec beaucoup de soutien des médecins qui travaillent avec moi, ainsi que mes amis et ma famille. J’ai commencé à courir dans le programme para, chose qui a été difficile à accepter initialement, mais ils m’ont accueillie à bras ouverts. Ils ne m’ont jamais fait sentir comme une personne handicapée qui était autrefois une athlète, mais plutôt comme une athlète qui a un handicap.
C’est la meilleure équipe dont j’ai jamais fait partie parce qu’ils m’ont rappelé mon pourquoi. J’adore le sport en tant que tel, pas les étiquettes qui y sont apposées. Pas les médailles remportées ni le nombre de coupes du monde ou de Jeux auxquels j’ai participé. J’ai réalisé que c’était le sentiment que j’avais avec mon panier de basket dans la cour. Je jouais au basket parce que j’aime le basket, rien de plus. Je me rends compte que les projets que nous avons pour notre vie ne se réalisent pas toujours de la manière que nous avions prévue.
Je suppose que le but de ce long texte est que j’ai découvert qu’être humain peut être, eh bien, incertain. . . et c’est difficile. Il m’a fallu beaucoup de temps pour réaliser que le sentiment de bonheur que j’avais quand j’ai commencé à faire les choses que j’aimais venait simplement du fait que j’aimais les faire.
Il a fallu que je me blesse sérieusement pour me forcer à prendre du recul et à réaliser ce que je voulais faire. Ce n’est pas facile d’être dans cet espace mental, mais peut-être que nous pourrions tous essayer, juste à titre d’expérience (je suis toujours une scientifique dans l’âme, après tout!)