L’ART DE RATTRAPER UNE ÉCHAPPÉE : COMPRENDRE LE THÉORÈME DE CHAPATTE
Par Kevin Field, chef de la stratégie chez Cyclisme Canada
Cyclisme Canada a récemment été invité par un journaliste à fournir de l’information concernant le théorème de Chapatte pour un article qu’il recherchait. Pour être honnête, je n’en avais jamais entendu parler de cette façon, ou si c’était le cas, j’avais oublié. J’ai dû faire des recherches.
Bien que je n’aie pas reconnu le nom, le principe du théorème de Chapatte est très bien connu dans le cyclisme et est définitivement utilisé continuellement par les équipes cyclistes dans la planification des courses et pendant les courses. J’ai de vagues souvenirs de Phil Liggett et Paul Sherwen qui en parlent lors de la couverture des courses dans les années 90. C’est plus un guide qu’un théorème, qui souligne que dans une course sur route, le peloton sera probablement en mesure de poursuivre une échappée à un rythme de 1 minute tous les 10 kilomètres.
Vous pouvez également considérer cela comme des secondes par kilomètre et je me réfère souvent au tableau suivant:
Vitesse | Temps/km | Vitesse | Temps/km |
20 km/h | 3:00 | 40 km/h | 1:30 |
25 km/h | 2:24 | 42 km/h | 1:26 |
30 km/h | 2:00 | 45 km/h | 1:20 |
35 km/h | 1:43 | 47 km/h | 1:17 |
37 km/h | 1:38 | 50 km/h | 1:12 |
Quand vous regardez ce tableau, quelque chose se démarque. À des vitesses plus lentes, la différence de temps par kilomètre est considérablement différente et diminue plus vous allez vite, ce qui est logique.
Le théorème de Chapatte est de 6 secondes par kilomètre ou la différence de temps entre rouler à 42 km/h ou 45 km/h. Ce sont des vitesses raisonnables pour une échappée sur un terrain vallonné par rapport à une poursuite bien organisée et durable.
Cependant, appliquer ce guide trop littéralement peut entraîner des erreurs tactiques. Je pensais que ce serait amusant de voir comment cela fonctionne réellement en regardant le parcours des Championnats canadiens sur route de l’année dernière et en expliquant comment je pourrais décortiquer le parcours et expliquer les différentes sections et le temps aux coureurs si je dirigeais une équipe.
Je diviserais la course en six sections. En supposant que vous ayez une équipe composée de sept à huit athlètes expérimentés, je l’expliquerais de cette façon:
- Échappée
Une petite échappée se produira probablement dans les 15 à 30 premiers kilomètres. Une plus petite échappée est mieux sur ce parcours. Si une équipe choisit de ne pas mettre quelqu’un dans l’échappée, vous voudrez que l’échappée soit composée de 3 à 5 coureurs maximum. S’il y a plus de coureurs que cela, vous voudrez y mettre un coureur, ou l’attraper tout de suite.
Le théorème de Chapatte ne s’applique pas vraiment ici.
- Contrôlez
Le circuit de 15 km à Saint-Odilon est difficile à contrôler. Gardez l’échappée en bas de 4 minutes, idéalement 3:30. Quand l’échappée est partie, le peloton peut vraiment s’endormir…vous devez être extrêmement prudents lorsque cela se produit, car aller lentement pendant même 2 ou 3 kilomètres peut donner une énorme avance à l’échappée qui sera très difficile à rattraper plus tard dans la course et/ou vous mettre trop à court de ressources au prochain point clé de la course (section #4).
La montée de la Côte de l’Église sur le circuit est trop courte pour reprendre du temps sur une échappée. Au sommet, il y a un virage à gauche sur une section ondulée de route sinueuse. En fonction du vent et d’autres facteurs, il s’agit d’une section importante du parcours pour gérer les contre-attaques.
- Chassez
Commencez à chasser avec un peu plus de 2 tours à faire sur le circuit. Selon le théorème de Chapatte, vous devriez pouvoir rattraper 1:30 par tour, mais en réalité c’est difficile car il y a 4 km de descente sur des routes rapides où le peloton et l’échappée iront plus ou moins à la même vitesse. Vous ne pourrez rattraper qu’une minute ou moins par tour sur ce circuit.
Je dirais à l’équipe de réduire l’écart sous les 2 minutes avant la fin du dernier circuit. Vous voulez être à 30-45 secondes de l’échappée au sommet de la Route Langevin (section #4). Pour ce faire, il faut sortir des circuits en moins de 2 minutes, voire idéalement 1:30.
Sur ce circuit, vous chassez plus lentement que le théorème de Chapatte.
- Fracassez
Vos meilleurs coureurs doivent fracasser la course sur la Route Langevin. C’est vraiment difficile sur 2,5 km, surtout après 140 à 150 km de course, et cette section est de 4 à 5 km. Vous pouvez vous attendre à être environ 1:00-1:30 minute derrière une échappée qui commence probablement à faiblir ou qui n’a pas de «changement de vitesse» après une longue journée stable.
Sur ce tronçon de 5 km, vous faites la jonction avec l’échappée en allant idéalement le double du théorème de Chapatte.
- Gérez
Si cela a fonctionné, vous êtes un petit groupe d’élite et vous avez l’échappée en vue. Gardez la vitesse élevée/soutenable et ne permettez aucune accalmie dans le rythme… elles seront mortelles. Gérez l’écart entre 30 et 45 secondes. Vous pouvez récupérer un peu, mais ne vous endormez pas. Prenez votre dernière bouteille à la voiture et évaluez la situation avec votre directeur sportif. Il est essentiel d’appeler la voiture à ce stade. Le peloton sera en lambeaux et les commissaires formeront des barrages. Vous voulez que vos coureurs appellent la voiture pour un ravitaillement afin de pouvoir avancer devant les barrages et couvrir vos meilleurs coureurs jusqu’à l’arrivée. Il est important d’être en mesure de les soutenir et de leur donner des informations critiques alors qu’ils gèrent les 25 derniers kilomètres de la course.
Il y a beaucoup de descentes et des sections de route très droites (à haute visibilité). Avec un effort bien coordonné, un groupe de poursuite peut rapidement réduire l’écart avec une échappée fatiguée dans cette section, d’autant plus que vous obtiendrez un effet d’aspiration de la voiture/moto officielle derrière l’échappée. Si vos coureurs sont confiants, ils n’ont pas besoin de rattraper l’échappée ici.
Le théorème de Chapatte ne s’applique pas vraiment ici. Vous avez une section d’environ 20 km où vous pouvez réduire l’écart avec l’échappée. Cela peut être très important car vous souhaitez vous préparer à…
- Rattrapez et contrez
Cette section est l’endroit où vous DEVEZ rattraper ce qui reste de l’échappée. À la fin de cette section, il y a une colline assez difficile, qui est une rampe de lancement pour une attaque gagnante. Vous voulez contrôler ce contre-mouvement afin que quelqu’un de votre équipe attaque et remporte la course en solo, ou vous contrôlez l’attaque d’un adversaire. Vous voulez entrer dans cette section avec moins de 10 à 15 secondes de retard sur l’échappée. Vos coureurs doivent être très intelligents pour gérer cette section et essayer d’évaluer la forme et la fraîcheur de l’échappée, ainsi que celle de vos adversaires dans le groupe de chasse. Vous avez besoin de deux coéquipiers ou plus dans le groupe et il est important qu’ils se positionnent dans le groupe afin de maximiser la vue sur vos adversaires. C’est là que toutes les alliances du groupe de poursuite disparaissent, les couteaux sortent et la course est gagnée ou perdue par la façon dont vous disputez cette section de 3-4 km.
Selon le théorème de Chapatte, vous devriez être capable de rattraper 15-20 secondes en 2,5 km dans cette section menant au sprint final. Vous rattrapez au double du théorème de Chapatte.