CE QUE MA BLESSURE À LA TÊTE M’A APPRIS
Par Alex Tougas, athlète de l’équipe nationale de BMX
Je m’appelle Alex Tougas et je suis un coureur de BMX membre de l’équipe nationale du Canada. J’ai vingt-deux ans, je suis originaire de Pitt Meadows, en Colombie-Britannique, juste à l’extérieur de Vancouver. Mon expérience au sein de l’équipe nationale a été au-delà de mes espérances jusqu’ici, et au fil des ans, j’ai eu la chance de parcourir le monde avec des gens vraiment cool faisant des choses encore plus cool. Faire partie de l’équipe m’a permis de devenir la personne que je suis aujourd’hui, grâce à l’entraînement, la course, les voyages et, malheureusement, les blessures. Aujourd’hui, je veux partager ce que subir un traumatisme crânien a signifié pour moi.
Avant de subir un traumatisme crânien, je ne connaissais pas grand-chose aux blessures à la tête. En ce qui me concerne, une commotion cérébrale était un mélange de maux de tête, de problèmes visuels et peut-être de problèmes de mémoire à long terme. J’avais vu mon coéquipier Tory Nyhaug souffrir de multiples blessures à la tête et constaté leurs effets sur sa vie. Donc, je savais que les blessures à la tête étaient graves, mais j’étais loin d’être préparé à ce qui s’est passé par la suite. J’ai reçu un diagnostic de lésion axonale diffuse, qui est le résultat d’une déchirure des axones du cerveau et s’avère bien plus qu’une commotion cérébrale.
Au printemps 2019, je participais à la Coupe du monde de BMX Supercross UCI à Papendal, aux Pays-Bas, quand j’ai chuté. Avec du recul, la journée a été assez géniale. Je m’en souviens en partie. Je me souviens m’être préparé ce matin-là, avoir eu de bonnes sensations et avoir été vraiment enthousiaste en vue de la compétition. Je me sentais rapide sur mon vélo. Dans une course comme celle-là, on passe par une série de tours de qualification, avant de disputer la finale en fin de journée. Je me souviens que mon huitième de finale était en compagnie de mon coéquipier James, et bien sûr je me souviens que nous avions plaisanté à propos de terminer premier et deuxième de ce tour. Ensuite, je ne me souviens de rien. J’ai vu les vidéos de ce qui s’est passé, mais pour résumer, j’ai commis une erreur technique banale, j’ai atterri en mauvaise position à la suite d’un saut, j’ai perdu de la traction, puis j’ai touché le sol…assez violemment.
Quand la gravité de ma blessure à la tête a été diagnostiquée, mon père a pris l’avion pour être à mes côtés à l’hôpital. Au début, je n’étais pas du tout capable de communiquer, mais progressivement, j’ai commencé à communiquer petit à petit. Je ne savais pas où j’étais ou ce qui s’était passé, j’étais vraiment fatigué, très confus et j’avais l’impression de regarder constamment à travers l’objectif grand angle d’un appareil photo. Après deux semaines et demie, j’ai été autorisé à rentrer chez moi sous la supervision d’un médecin. À ce moment-là, ma mémoire était encore assez floue, mais je me souviens avoir atterri à Vancouver et avoir été transféré dans un hôpital local avant d’être autorisé à rentrer à la maison. À ce stade, je n’étais toujours pas trop certain de ce qui m’était arrivé, je ne savais pas si je récupérerais un jour, mais j’étais convaincu que je ne toucherais plus jamais à un vélo, encore moins pour participer à une course. Le simple fait de descendre les escaliers était effrayant.
Les gens qui me connaissent personnellement savent que je suis une personne assez singulière. J’ai un faible pour l’ordre, j’adore la routine en ce qui a trait à mon emploi du temps et j’ai une phobie de ne pas respecter l’un ou l’autre, ce qui peut me rendre anxieux. Alors que je commençais à faire la transition vers ma nouvelle normalité, l’aspect cognitif de mon traumatisme s’est pleinement révélé : l’anxiété, la paranoïa, l’angoisse. J’étais convaincu que la vie que j’avais connue appartenait au passé.
J’adore les courses de BMX. Avant mon accident, j’avais permis au BMX de définir la personne que j’étais. Il était impossible de parler de moi sans que les courses de BMX ne fassent partie de la conversation. J’ignorais complètement à quel point c’était malsain. Suite à mon accident, tout a changé; j’étais là, un coureur de BMX de 20 ans, convaincu que je ne toucherais plus jamais à un vélo et que je passerais le reste de ma vie dans du papier bulle. Je réalisais pleinement à quel point cette vision des choses était illogique, mais je n’arrivais pas à voir les choses autrement, peu importe mes efforts. Comme vous pouvez le deviner, cela ne correspondait pas au profil du coureur de BMX que j’avais entretenu dans le passé et cela a été la cause de nombreuses nuits blanches. Le BMX est ce que je suis, c’est ce qui me définit – qui suis-je si je ne peux pas participer à des courses? De nombreux mois à penser ainsi m’ont conduit vers des endroits assez sombres et m’ont donné l’impression que je ne récupérerais jamais.
Si le fait d’avoir un traumatisme crânien m’a appris quelque chose, c’est de ne pas laisser une seule dimension de la vie me définir. Peu importe à quel point j’aime ce que je fais, je veux être plus qu’un simple athlète. Je me suis rendu compte que je suis plus qu’un coureur de BMX, je suis plus qu’une statistique sur les blessures, je suis plus qu’un maniaque de la propreté. Cela ne diminue en rien ma passion pour mon sport – j’aime ce que je fais et cela ne changera jamais. J’ai appris que les courses de BMX et les blessures ne me définissent pas, elles ont simplement contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui et continueront de le faire alors que je poursuis mes rêves sportifs. Je suis reconnaissant de me sentir à nouveau moi-même et d’être de retour sur les pistes de BMX. Cet été, j’ai subi une opération au genou, mais je continue de travailler dans le but de retrouver la forme qui me permettra de reprendre la compétition, en apprenant de mes blessures.