COMMENT REMPORTER LE TOUR DE BEAUCE AVEC UNE PEU D’AIDE DE VOS AMIS
Par James Piccoli, coureur professionnel avec Israel Start-Up Nation et vainqueur du Tour de Beauce en 2018
Ma victoire au Tour de Beauce en 2018 a été le véritable début de ma carrière cycliste professionnelle. C’était la première fois que je croyais vraiment que j’avais ce qu’il fallait pour gagner au niveau professionnel et cela a changé le cours de ma carrière. Cette victoire a changé mon entraînement, la façon dont je cours et mon état d’esprit. Mais je vais vous raconter la vraie histoire de la façon dont j’ai gagné cette course et la vraie histoire commence trois mois plus tôt en Californie.
C’était à San Dimas, en Californie, la course d’ouverture de la saison pour le circuit nord-américain de course sur route. Je courais avec mon équipe professionnelle, Elevate-KHS. La course par étapes de San Dimas a commencé par un contre-la-montre en élévation, que mon coéquipier canadien Jordan Cheyne a remporté. Nous nous sommes dirigés vers la prochaine course avec le maillot jaune et nous allions essayer de le défendre pour le reste de la semaine.
Malheureusement, je me suis réveillé avec un rhume le lendemain matin et je ne savais pas si je serais capable de courir. La vérité était que j’avais très peur d’aggraver mon rhume en soumettant mon corps au stress de la course et je craignais que cela impact le reste de mon printemps de course. Je savais que j’avais un travail à faire pour Jordan et mes coéquipiers, mais j’étais inquiet pour les courses à venir. Je suis arrivé à la course ce matin-là et j’ai approché mon directeur d’équipe avec inquiétude.
Je paraphrase ici, mais sa réponse allait dans le sens de: «Jordan et l’équipe ont vraiment besoin de toi aujourd’hui. Je ne vais pas te dire quoi faire…c’est à toi de décider, mais nous avons vraiment besoin de toi.»
J’y ai pensé et bien que j’étais encore un peu nerveux à propos de la réaction de mon corps, j’ai décidé de me présenter à la ligne de départ et d’aider quand même. Cette course reste à ce jour ma journée la plus difficile sur le vélo. Nous avons défendu le maillot jaune, mais je me souviens avoir été tellement épuisé à la fin de la journée qu’après la course, je me suis effondré sur une chaise pliable et j’ai pleuré.
Jordan m’a vu dans le coin du stationnement et il est venu me remercier. Je ne me souviens pas exactement de ce qu’il a dit vu mon état, mais c’était quelque chose comme: «J’apprécie vraiment ce que tu as fait pour moi aujourd’hui et je ne peux pas te dire à quel point c’est important pour moi. Merci.»
Trois mois plus tard, on est à la dernière étape du Tour de Beauce à Saint-Georges. Jordan et moi courons tous les deux pour Équipe Canada et après une semaine tumultueuse, nous nous retrouvons dans l’échappée de la dernière étape. Nous avons tous les deux la chance d’avoir un excellent résultat ce jour-là, mais il y a aussi une mince chance pour moi de remporter le Tour au complet alors que je me rapproche du jaune virtuel sur la route.
Je ne me souviens même pas avoir dit quoi que ce soit à Jordan lors de cette échappée ce jour-là, mais je l’ai ressenti. Jordan allait tout sacrifier pour me permettre de peut-être remporter le classement général. Il n’y avait même pas de question qu’il donnerait tout ce qu’il avait pour me donner la chance de gagner. Jordan et moi avons commencé à rouler en avant et l’écart de temps a augmenté…la victoire semblait maintenant à portée de main. Le plan allait parfaitement jusqu’à ce que Jordan subisse une chute dans un virage difficile lors d’une descente. J’ai persévéré en espérant qu’il allait bien, mais ce que je ne savais pas, c’est qu’il se battait toujours avec tout ce qu’il avait pour revenir à l’avant et me donner un peu de répit. Près d’une heure plus tard, il était de retour, prenant les devants pendant peut-être une minute.
Le fait de voir à quel point il était prêt à se battre pour moi a rendu le moment encore plus incroyable quand j’ai franchi la ligne d’arrivée et que j’ai découvert que j’avais remporté le classement général. C’est toujours l’un de mes plus beaux souvenirs de course, et le câlin d’après-course avec toute l’équipe du Canada était bien plus que des coéquipiers qui remportent une course de vélo, ce sont des amis qui donnent tout l’un pour l’autre.
Jordan ne le savait pas ce jour-là, mais m’aider dans cette échappée a été la première étape du reste de ma carrière de cycliste.
Merci, Jordan.